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Mariée à un homme que je n’aimais pas

Dernière mise à jour : 1 janv. 2021

Se confier n’est jamais un exercice facile, d’autant plus quand il s’agit d’actes traditionnellement considérés comme « normaux » dans l’environnement dans lequel nous sommes issus. Je suis malgré tout surexcitée à l’idée de partager mon histoire et ce même si je le fais de façon anonyme car je suis convaincu que je suis à l’endroit le mieux indiqué pour étaler mes confidences.


Originaire d’un pays d’Afrique occidentale, je suis la 3ème de ma fratrie. Mes parents se sont connus jeunes, amoureux l’un de l’autre, je peux même affirmer qu’ils représentaient respectivement l’un pour l’autre l’âme-soeur. Mon arrivée dans cette union coïncide avec la période où mon père a pris la décision de devenir polygame. Avec le recul, je sais que mon père n’était pas polygame par choix, mais par devoir. Tant l’amour et l’affection sincères qu’il éprouvait pour ma mère semblait suffire à son bonheur, mais les traditions ont eu raison de lui et de leur mariage. Face à cette situation, ma mère a fait preuve de beaucoup de courage et s’est montrée très combative à l’égard de notre éducation et particulièrement notre scolarité. Nous étions sa raison d’être. Plus jeune, elle n’a pas eu la possibilité d’être scolarisée, ce qui lui a donné davantage de hargne pour travailler très dur par la suite, afin de nous assurer à nous ses enfants, une direction de vie différente, la possibilité d’être des hommes et femmes libres avec des opportunités plus larges. Je parle d’elle au passé car malheureusement. elle nous a quitté alors que je n’étais âgée d’à peine 9 ans. Mon père a à cette époque là, pris le relai de notre éducation, mais rien ne remplace le vide qu’à crée la perte du pilier que représentait à mes yeux ma mère, une femme forte, une femme de conviction, une femme pleine de sagesse.


Venue l’âge de l’adolescence, je suis tombée follement amoureuse d’un jeune homme de deux ans mon aîné, avec lequel nous nous étions promis un projet de vie commune. C’est avec beaucoup d’impatience que nous attendions le moment idéal afin de concrétiser notre engagement. Nous avions tout prévus jusqu’au moindre détail, littéralement comme sur du papier à musique, ça je peux vous l’assurer et j’avais hâte d’y être.


Mon bac en poche, j’envisageais de poursuivre mon cursus scolaire et c’est à ce moment où mon amoureux c’est décidé à venir voir mon père comme à l’accoutumée pour demander ma main. Il s’est vu aussitôt refuser cette requête. Nous n’avions pas du tout envisagé ce scénario dans l’élaboration de notre plan. Devant la terrible déception du refus catégorique de mon père d’accepter mon choix, j’étais anéantie. « Il ne vient pas d’une bonne famille » disait-il pour justifier le fait qu’il avait déjà opéré un autre choix pout moi. A mes 18 ans, mon père avait d’autres projets pour ma vie : ne plus me permettre de poursuivre mes études (j’avais le bac, cela lui suffisait) et me donner en mariage à un homme de 13 ans mon aîné, mais de bonne famille selon lui. Bonne famille pour mon père, se limitait au statut social de cette homme issus d’une famille aisée. Il vivait à l’époque de nos fiançailles forcées en Occident. J’étais prise entre le désir de m’enfuir et d’épouser l’homme qui faisait battre mon coeur et le devoir d’honorer mon père, notre famille et ne pas décevoir ce qu’aurait sans doute souhaité ma mère, partie trop tôt. À cette époque là, je pensais que c’était la meilleure décision à prendre pour honorer sa mémoire et ne pas la décevoir.

Jusqu’à notre mariage au pays, je n’avais jamais rencontré mon futur époux : nos premiers échanges se sont passés par téléphone et cela m’avait suffit pour tracer le profil de cet homme. Je n’avais aucune hâte de faire sa connaissance. Après la noce, le temps pour lui d’organiser mon départ du pays, je l’ai rejoint. Alors que ma famille était dans la joie de me voir rejoindre mon mari en occident, dans mon coeur c’était le déchirement et j’étais convaincu que je n’allais pas en occident mais en enfer. Ce qui fut d’ailleurs le cas. Non seulement j’étais prisonnière d’un mariage forcé avec un homme beaucoup plus âgé que moi, mais en plus, il était très violent. Il me battait et me parlait avec beaucoup d’agressivité. Dans cet état des choses, les rapports conjugaux s’apparentaient à du viol accompagné de pratiques sexuelles qui n’étaient pas du tout de mon goût. Cet homme soit disant de bonne famille m’injurias et me rabaissait à longueur de journée, non seulement moi, mais aussi ma famille. Intitule de vous dire que ce fut une expérience particulièrement traumatisante.


Cinq ans après notre union, j’ai donné naissance à ma fille. Elle représente la seule réussite de ce terrible échec. A son arrivé, j’ai pensé naïvement que peut être mon époux allait s’améliorer, devenir un homme plus aimant et délicat et un père présent. J’ai vite déchanté. Quelle déception. Rien n’avait changé et pire, il s’occupait à peine des besoins de l’enfant et ce à plusieurs niveaux. Cette déception fut mon déclic. Quand ma fille a eu 13 mois, j’ai quitté cet homme. Je suis partie un jour, sans me retourner, il n’y avait rien à regretter. Je comprends la combativité de ma mère, cette force qu’on puise au fond de soit pour mettre à l’abri ses enfants. C’est grâce à cela que j’ai pris le meilleure décision de ma vie : partir. Aujourd’hui ma fille a 5 ans. Elle n’a jamais rencontré son père. Il n’a d’ailleurs jamais fait un geste de quelque ordre que ce doit, vers elle. Nous sommes pourtant restés dans le même pays et la même ville que lui. Nous ne sommes que séparés et pas encore divorcé, de mon côté j’ai engagé un avocat pour entamer la procédure de divorce et aux dernières nouvelles mon cher époux se serait remarié avec une autre en Afrique.


Je n’ai pas pu obtenir d’équivalence de mes diplômes africains. J’ai dû opter pour d’autres voies et moyens pour nous en sortir ma fille et moi. J’ai monté mon propre business et par la grâce de Dieu les affaires se portent plutôt bien. Ma fille est tout pour moi. Il n’a pas été facile de lui expliquer notre situation. Néanmoins j’ai essayé, avec des mots d’enfants. Elle semble le vivre plutôt bien tant elle est épanouie. Devant toutes ces années gâchées, l’arrière goût d’une vie volée et un bonheur sacrifié, mon père s’en veut terriblement, lui qui est victime du devoir de maintient des coutumes et les traditions. Jusque là, je ne lui ai pas pardonné. J’avais jusque là rompu tout contact avec lui. A présent nous essayons tant bien que mal de nous réconcilier.


Avec le recul, je n’ai aucun regret. Je suis d’ailleurs aujourd’hui convaincue que de là où elle est, ma mère est fière de moi et de la personne que je suis devenue. J’ai réussi à comprendre que par son combat de faire de moi une femme libre, elle n’aurait jamais accepté que j’abandonne mes études et devienne la femme malheureuse d’un homme violent et insensible. Mon seul remord : de ne pas être partie plus tôt et surtout de ne pas m’être enfuie dès le départ avec l’homme que j’avais choisi moi.

J’aurai souhaité que l’histoire se clôture sur nos retrouvailles. Mais la vie en a décidé autrement. Il est néanmoins toujours dans ma vie. Il est mon confident, mon ami et reste incontestablement l’amour de ma vie.

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